Published by ANNE DENIAU aka ANN RAY

 

Les soirées dites de "Danse Contemporaine", avec oeuvres multiples, me comblent rarement. Ce fut pourtant le cas avec cette soirée de rêve, parfaite de bout en bout, présentée à l'Opéra de Paris. Garnier. Je précise "Garnier" parce que c'est important. Du contemporain à Garnier, c'est tonique, c'est vibrant, ça rappelle que la danse est un art vivant, ça dépoussière les ors et ça donne des frissons sous la peau, dans le meilleur des cas.

Dans un autre registre, je n'ai jamais oublié "La Tentation de Saint-Antoine", à Garnier, justement. Dans la fosse d'orchestre, des guitares électriques. A la mise en scène, Bob Wilson. Sur scène, des chanteurs afro-américains, sublimes, et une fête de couleurs. Et dans la salle, en fin de spectacle, des spectateurs très chics qui se levaient et dansaient sur les derniers accents. Du jamais vu.

Bref, revenons à cette soirée de première, 7 novembre 2009 : "Amoveo-Repliques-Genus", Millepied - Paul - McGregor, 3 chorégraphes contemporains, tellement jeunes et brillants qu'ils en seraient agaçants s'ils n'étaient pas sympathiques : Benjamin Millepied, Nicolas Paul, 31 ans chacun, & Wayne McGregor qui approche des 39 et en paraît 10 de moins.
3 créateurs (dans la danse on traduit par "chorégraphe"), 3 univers. 3 planètes.


 
La planète Millepied est vivante, vibrante, lumineuse. Millepied, c'est un Européen exilé aux USA, qui a donc pris le meilleur dans chaque culture : l'énergie positive et la richesse culturelle, les grands maîtres américains et la French touch. Chez Millepied il y a la rage de faire, l'absence de peur qui donne des ailes et lui permet de revisiter son oeuvre, en l'espace de deux ans, de manière radicale : Raccourcie de moitié (de 40 à 20 minutes), concentrée, resserrée, redessinée, costumes dorés disparus, explosion de couleurs par Paul Cox.Jeu de Lego humain, on imbrique on cimente on casse on reconstruit. Chez Millepied il y a la fureur de vivre, les artistes ne sont pas maudits mais inspirés, les couples s'éloignent parfois mais ne se ratent jamais. Chez Millepied il y a chocs, turbulences et spirales sensuelles, ça vit ça bouscule ça caresse aussi. Le pas de deux central est une prouesse de subtilité, de force et de sensualité, je m'en souvenais comme d'un enchantement, je n'ai pas été déçue : envoûtement, bis. Quand "Amoveo" se termine, on est essoufflé comme quand on a couru avec ses copains d'enfance avec le vent dans les cheveux, ou quand on a fait l'amour toute la nuit. Aouch ! Play it again, Ben.

Interprèts hors catégories, hors tout : AUrélie Dupont & Nicolas Le Riche.

Lumières : chaudes, froides, chaudes.



 










 
La planète Paul est mystérieuse, un monde de secrets. Les gestes sont chuchotements et murmures, il ne fait pas froid mais on frissonne tant les images parlent à l'âme. "Répliques", jeu de miroirs, clair-obscur, correspondances, tout est suggéré, rien n'est dit. Exquises esquisses, visions rêvées, frontières floues, il y a plusieurs vérités dans les rapports humains, qu'est-ce qui est vrai : ce que j'ai vu ou ce que je crois avoir vu ? Planète poétique et pastel, image finale inscrite, un couple qui se transforme en deux presque automates, deux êtres perdus, étonnés d'exister si près l'un de l'autre, regard au-delà de l'âme, 1 bras ouvert sur le vide, mains jointes. Magistral. Une belle entrée dans la cour des grands.

Interprètes magiques : Isabelle Ciaravola, Stéphane Bullion, Muriel Zusperreguy, Joshua Hoffalt.

Lumières : Tout un art, les lumières sculptent les conversations et les distances de "Répliques". Une chorégraphie lumineuse.

 



 

 





La planète McGregor, enfin, est explosive. Un feu d'artifice où les particules d'ADN se heurtent, se provoquent, se croisent, fusionnent, se séparent et virevoltent joyeusement. En haut, des images désertiques. Plus bas, plus tard, Muybridge est là pour nous parler de Darwin, la mort du papillon qui n'arrive pas à décoller me rend soudainement triste. Un pas de deux dans un écrin pour Marie-Agnès Gillot et Benjamin Pech. Des danseurs désarticulés, dévoués à toute berzingue à ce fou génial qu'est McGregor. Musiques rythmées alternant avec la mélancolie du violoncelle, je termine sur les rotules, comme les danseurs sans doute. HS, Heureuse, Sûrement. 

Interprètes tous épatants (Mathias Heymann, Dorothée Gilbert, Benjamin Pech, Audric Bezard, Agnès Letestu, et mention spéciale pour Marie-Agnès Gillot : insensée, halluciante, sensible et touchante aussi, bref égale à elle-même : unique.)

Lumières : Une oeuvre lumineuse en tant que telle. Sculpturale. Presque clinique dans la froideur qui transforme les danseurs en sculptures hyper-animées. Une partie plus chaude pour ce pas de deux vu à distance, placé dans une boite inclinée : le coeur des choses ?

 


















Extrait de "Einstein on the beach" by Philip Glass, music for "Amoveo"

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